Quand les déchets donnent l’heure

revaloriser les déchets pour en faire des montres

Transformer une menace environnementale en une ressource durable et innovante, c'est la vision de la marque horlogère Awake, dont certains compostants du modèle illustré ici - la AW.01 - ont été fabriqués avec des filets de pêche abandonnés en mer.


Réaliser une montre en revalorisant les déchets qui polluent les mers constitue une véritable prouesse technique. L’exercice démontre aussi et surtout l’existence de synergies encore peu explorées par les filières du recyclage et de l’horlogerie. Lancée il y a quelques années, la marque Awake pousse le challenge encore plus loin en intégrant également une technologie photovoltaïque à son produit.

Parmi les défis environnementaux de notre époque, la pollution des mers et des océans constitue une problématique majeure. Si rien n'est fait pour changer la donne actuelle, on estime qu'il y aura plus de plastiques que de poissons dans les milieux marins d'ici à 2050. Pour les filières du recyclage et les acteurs engagés dans la dépollution, un des grands défis consiste à pouvoir générer une plus-value économique à partir de leurs opérations. Il y a quelques années, une nouvelle montre a permis de démontrer la faisabilité technique et économique de ce challenge. Une montre pas comme les autres, réalisée à partir de déchets plastiques et de filets de pêche abandonnés en mer, munie également d'un dispositif photovoltaïque des plus innovants. Derrière ce produit d’un nouveau genre on trouve Lilian Thibault et Frederic Ly, deux français passionnés d’horlogerie et de design qui ont uni leurs efforts et compétences pour favoriser la prise de conscience quant au contre-la-montre environnemental auquel nous sommes confrontés. Leur marque: AWAKE. "Nous sommes conscients que nous ne résoudrons pas à nous seuls la problématique environnementale, notamment concernant la pollution plastique des océans, mais l’idée consiste à montrer ce qu’il est possible de faire tout en apportant notre pierre à l’édifice", explique Lilian Thibault. "La montre est en outre un objet symbolique, notamment dans son rapport au temps. Elle représente donc bien l’urgence du défi environnemental que nous devons relever." Suite à leurs premières réflexions menées en 2016, les entrepreneurs décident de lancer une campagne de financement participatif sur Kickstarter durant l’été 2018. 858 contributeurs et 307’080$ plus tard, AWAKE démarre sa production pour livrer les 1200 montres commandées durant la campagne de crowdfunding. En quelques mois, la jeune marque aura finalement vendu 2000 modèles en tout, en privilégiant la vente directe par internet tout en étant présente au sein de quelques enseignes dont les produits s’avèrent cohérents avec sa démarche engagée. «Le financement participatif nous a permis de récolter les fonds nécessaires au lancement du projet tout en vérifiant et validant l’intérêt des gens pour notre produit. Il était en effet difficile de savoir au préalable si le grand public était prêt pour une montre de ce genre. Cette campagne de crowdfunding nous a aussi permis de mettre en avant le soin et l’esthétisme avec lesquels nous avons conçu nos modèles. Car les gens ont souvent de la peine à imaginer que l’on peut fabriquer des produits aboutis et beaux en utilisant des processus et techniques de recyclage.»

Le photovoltaïque au service de l’horlogerie

Avec des boîtiers en acier recyclé et des bracelets conçus à partit de déchets plastiques collectés dans les mers d’Asie du Sud-Est et du Japon, les premiers modèles de la marque véhiculent un message environnemental fort. L’axe énergétique est également présent puisque le produit est doté d’un mouvement solaire. Un capteur photovoltaïque intégré dans la montre permet en effet de fournir l’énergie nécessaire au mouvement. "En gros notre montre ne s’arrête jamais, trois heures d’exposition à la lumière suffisent à fournir l’énergie nécessaire au mouvement pendant six mois", souligne Lilian Thibault. "On se distingue ainsi des modèles classiques qui fonctionnent avec des piles à changer tous les deux ans. Un système pour lequel opte la plupart des fabricants en raison de son bas coût." Repérée par les organisateurs du G7, la prouesse technique et environnementale d’AWAKE les amènera à relever un nouveau défi en 2019. Pour pousser la performance du recyclage un cran plus loin, les organisateurs les incitent à innover davantage. Au final, la jeune marque sortira un modèle dont le boîtier est réalisé à partir de filets de pêche recyclés. Abandonnés en mer, ils causent la mort de très nombreux poissons tout en générant une pollution continue. A nouveau, le message est fort. Surtout à Biarritz, région maritime qui accueillait le sommet politique. "Cet événement nous a évidemment apporté une grande visibilité", indique le cofondateur. "Et de nombreux investisseurs intéressés à nous rejoindre nous ont contactés suite à cela. Mais nous sommes restés lucides et fidèles aux personnes qui nous soutiennent depuis le début, entre autres par l’intermédiaire de la campagne de crowdfunding qui nous a permis de concrétiser notre projet. Pour nous c’est une manière de conserver notre indépendance tout en maintenant la forte dimension éthique de la marque."

Avenir artistique

Parmi ses différentes perspectives futures, AWAKE entend continuer à explorer d’autres matériaux et manières de joindre recyclage et horlogerie, notamment dans l’optique de diversifier ses modèles. Une collaboration avec un artiste est par ailleurs en cours, permettant ainsi de conserver et développer la plus-value esthétique de son produit. La marque a en outre achevé de nouvelles levées de fonds et est désormais présente dans près de 50 points de vente à travers la France . "Notre stratégie a d'abord consisté à tout réinjecter dans la recherche et le développement", poursuit Lilian Thibault. "Car notre produit se distingue aussi et surtout par des procédés techniques particulièrement innovants. Utiliser des bouteilles plastiques et des filets de pêche pour fabriquer des montres demande en plus d’intégrer de nombreux acteurs et partenaires, la filière du recyclage étant particulièrement complexe et morcelée."

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